Page 55 - Un bout de crayon - Francis Leclerc
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1944, les nuages s’amoncellent
Ces deux années et demie passées à Kuhlen furent relativement calmes
avec la sécurité, l’assurance d’être logé et nourri. Il y faisait le travail
qu’il aimait avec le sentiment d’être utile en contribuant à nourrir les
gens. Je suis convaincu qu’il travaillait comme pour lui, ce qui lui
valait en retour la sympathie de son entourage. Il s’est rétabli physi-
quement et par conséquent en partie moralement. A posteriori c’est ce
qui lui a permis de surmonter les épreuves qui l’attendaient en 1944.
Loin d’aller vers l’Ouest comme il l’espérait, il n’imaginait pas qu’il
serait déporté à l’Est !
Vers le 10 mai 1944, bruits de bottes chez les Russes, avec les raids de
l’aviation sur Memel et des mouvements de troupes faisant craindre
une attaque d’ampleur, imminente. Les Allemands décident alors
de retirer les prisonniers des fermes proches de la frontière et de les
concentrer autour de Memel. Ils avaient sans doute prévu un repli
militaire pour défendre ce port stratégique qu’ils savaient convoité par
les Russes. C’est pourquoi Francis se retrouve à la ferme de Neuhof
au sud de la ville (Pempininkaï, Gendralischken).
Il écrit le 4 juin 1944 : « Je suis
maintenant bien habitué dans ma
nouvelle ferme, cela m’a fait un
peu de changement, j’ai plus de
distractions que là-bas et surtout
je suis avec mon ami Batifouyé. »
Il retrouve René qu’il avait laissé
à Liewern le 4 août 1941. C’est
avec lui qu’il va affronter les pires
épreuves de sa captivité.
Argences, 30 avril 1944 :
Marie-Madeleine tient le cheval avec
lequel elle évacuera en juillet.
On est à un mois du Débarquement
anglo-américain qui se prépare active-
ment sur l’autre rive de la Manche.
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