Page 60 - Un bout de crayon - Francis Leclerc
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tants furent évacués en train alors que villageois et fermiers partaient
            avec leurs propres chargements. Il est difficile de savoir combien de
            prisonniers français et belges quittèrent Memel avec les civils.
            On sait seulement qu’il ne restait que 4000 habitants dans la ville.
            Très vite l’armée allemande stoppa l’offensive ennemie et les fermiers
            retournèrent chez eux pour faire leur moisson. Les prisonniers qui
            n’ étaient pas rappelés au stalag 1A rentrèrent avec leurs patrons.
            L’Armée rouge reprit l’offensive et la seconde vague d’évacuation
            fut annoncée le 7 octobre 44. Deux jours plus tard elle traverse la
            frontière et s’approche de Mémel par le nord et le sud à 16 kilomètres.
            Ceux qui n’ont pas eu de place sur les bateaux partent en charrettes
            vers Heydekrug, (Rusné, Russie) Drawonen (Dreverna) pour traver-
            ser le golfe Curonien par l’intérieur du pays. Dans cette situation les
            prisonniers avaient le choix : quelques-uns écoutèrent les injonctions
            des autorités et se dépêchèrent d’evacuer pour la seconde fois avec les
            services des entreprises industrielles ou les résidents locaux. D’autres,
            tentés par la proximité d’une libération tant espérée quittèrent leurs
            postes de travail, des petits groupes se cachaient dans les maisons
            vides, attendant l’arrivée des soldats de l’Armée rouge. Leur sort fut
            le même que la première fois, ils furent arrêtés par les libérateurs
            pendant deux jours, le temps que les tanks et l’infanterie coupent la
            route d’évacuation dans le secteur Prokuls-Silute. Ce fut la seconde
            fois qu’ils devenaient prisonniers de guerre en lieu et place de liberté.
            Regroupés quelques jours plus tard ils furent escortés en train vers
            la Russie profonde et le camp de concentration de Tambow. Suite aux
            terribles conditions de détention seulement quelques-uns retrouvèrent
            la liberté et rentrèrent chez eux malades ou épuisés.
            Plus chanceux furent ceux qui se dépêchèrent d’évacuer avec leurs
            patrons, la plupart venant de fermes situèes au sud de la région de
            Memel. Ils tentèrent de traverser la rivière Niémen près de Tilsit ou
            le golfe Curonien pour rejoindre le centre de la Prusse orientale.
            Quelques Français et Belges trouvèrent la mort ici tragiquement.
            L’Armée rouge poursuivit son offensive rapidement vers Tilsit-
            Koenigsberg et rattrapa les colonnes de réfugiés. Les soldats de
            l’Armée rouge sous l’emprise de l’alcool, confondant les Français et
            les Belges avec la milice allemande les abattaient sans sommation,
            ou après les avoir volés et brutalisés. Ils tentaient de cacher leurs
            crimes en éliminant tous les témoins parmi lesquels les prisonniers
            français et belges accompagnant les réfugiés.



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