Page 54 - Un bout de crayon - Francis Leclerc
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Une longue lettre du 11 juillet 1943
« Ma chère Maman,
Je pense beaucoup à toi et je profite que j’ai cette lettre pour
t’écrire un peu plus longuement. Depuis ma captivité je n’ai pu
t’envoyer qu’une petite carte de temps en temps, mais tu as régu-
lièrement des nouvelles par Marie-Madeleine et il en est de même
pour moi. Reverrons-nous bientôt une époque normale où chacun
pourra reprendre sa place ? beaucoup ont déjà eu le bonheur de
rentrer chez eux, moi je n’ai pas été dans les vernis, c’est bien
long. Heureusement qu’il y a des grâces d’Etat, et je me demande
souvent comment je ne souffre pas davantage moralement d’une si
longue séparation d’avec les êtres aimés. Il y a toujours l’espoir
d’un retour prochain. Et qui ne vient jamais... et aussi l’amélio-
ration de mon existence depuis que je suis dans cette ferme ; à la
carrière j’avais beaucoup plus de mal à me maintenir moralement.
Beaucoup de Français sont déjà mis au nouveau statut, pour ceux
des fermes c’est pour plus tard et je crois qu’à ce moment il y aura
beaucoup de changements pour nous ; la relève m’atteindra-t-elle
jamais, je n’y ai jamais guère espéré.
Transmets mes bonnes amitiés à la famille Songis qui doit encore
être à Argences. Je t’embrasse bien fort.
Ton fils.
Francis. »
La famille Songis n’est plus
à Argences. Henri, ingénieur
chimiste, a trouvé un poste au
Carbone Lorraine à Pagny-sur-
Moselle, Meurthe-et-Moselle.
La petite famille est partie au
sud de Metz dans une belle
Traction Avant grise. Clémentine, Jeanne, Nicole avant le départ
Clémentine se retrouve seule avec sa belle-fille : les deux femmes
vont très bien s’entendre.
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