Page 74 - Un bout de crayon - Francis Leclerc
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Joseph Freymann a été d’un grand soutien pour mon père : il lui
            donnait les bons conseils pour éviter autant que possible les corvées
            les plus éprouvantes et par conséquent dangereuses. Grâce à ce soutien
            Francis a réussi à survivre à Tambov, ce qui ne fut pas de cas de René
            Jeannot son voisin de Kuhlen, décédé le 8 mars 1945. Ces disparitions
            de copains ont affecté gravement le moral des survivants.

            J’ai eu l’immense joie et l’honneur de rencontrer Joseph Freymann
            chez lui le 28 juin 2017. Ses lettres manuscrites de même que les deux
            suivantes représentent pour moi à la fois un trésor et l’aboutissement
            de mes recherches. Son jugement spontané sur mon père me va droit
            au cœur : Cette découverte va bien au-delà de ce que je pouvais espérer
            au départ. Il eut été dommage que je ne connaisse pas cet homme qui
            fut essentiel à mon père et à son retour.

            Le second témoin majeur, Émile Roegel, dont l’adresse était aussi au
            verso de la photo avait confié à Francis un message pour sa famille
            qui fut transmis. Alsacien et ami de Joseph Freymann il faisait partie
            des réunions avec Maurice Haegeli. Le 3 décembre 2010 il répondait
            au courrier que je lui adressais en ces termes :


            « Votre lettre a ravivé de très vieux souvenirs, dont certains sont
            devenus un peu lointains. Au camp dit des Français à Tambov Rada,
            où je me trouvais déjà en octobre 1944, j’avais retrouvé mon vieil
            ami (du scoutisme) Joseph Freymann, et nous avions assisté à l’ar-
            rivée de groupes de Français (dit pour nous « de 40 ») libérés par
            les Soviétiques au cours de leur pénétration vers l’Ouest. Ils étaient
            statutairement des internés, soi-disant mieux traités, alors que nous
            étions des prisonniers de guerre. Votre père n’aurait probablement
            pas dû arriver à Tambov, mais aller directement à Odessa. Le trajet
            par la Méditerranée fermé aux Alsaciens-Mosellans incorporés de
            force dans l’armée allemande était tari à un certain moment. Les alliés
            n’utilisaient plus ce trajet et la voie ferrée à travers l’Allemagne et
            ses confins était remise. Nous sommes rentrés aussi par cette voie,
            mais par Berlin, la Hollande, la Belgique... en automne 45.
            J’ai dû connaître votre père par Joseph Freymann, qui avait un peu
            plus de liberté de circulation dans le camp. Lors du départ d’une
            partie des « prisonniers de 40 » et de certains des Malgré-nous qui
            avaient combattu avec les partisans soviétiques, au total environ 400,



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