Page 128 - Un bout de crayon - Francis Leclerc
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le voir ; je profite d’une demande d’une adhérente du site stalag_PO
            pour lui écrire : il ne me fera aucun reproche, simplement, me dira-
            t-il, il s’est posé des questions sur les raisons de cet éloignement. Je
            comprends qu’il en ait été affecté.
            Je le verrai pendant deux heures dans le centre où il réside avec sa
            fille. Accueil chaleureux. Comme il m’a déjà tout expliqué par écrit,
            j’évite de lui demander d’autres détails sordides sur Tambov. À quoi
            bon ? Simplement je suis heureux d’être là, avec lui, d’avoir fermé
            la boucle entre le 15 mai 1945 - date à laquelle ils s’étaient quittés à
            Tambov - et ce 28 juin 2017. Francis avait mission de prévenir son
            père qu’il était vivant. 72 ans après je lui serrais la main et lui mani-
            festais ma reconnaissance pour l’aide précieuse qu’il lui avait apportée
            afin d’éviter les pièges mortels de Tambov. Je ne sais plus trop de
            quoi nous avons parlé, c’était sans importance. Il nous a lentement
            accompagnés jusqu’à la voiture. Je savais que je ne le reverrais pas.
            Joseph est parti quelques mois après.




            Bisheim

            Nous restons une journée en Alsace et nous passons par Bisheim ; j’ai
            en effet un cliché de la campagne alsacienne précédant la captivité :
            on voit quelques soldats de 40 devant le château de Bisheim tenant
            un lièvre. Je savais que mon père avait joué de l’orgue le dimanche
            dans un village alsacien.
            Après avoir visité Kaysersberg et Neuf-Brisach, nous arrivons dans
            cette petite cité. J’avise un employé municipal en lui montrant la
            photo. Perplexe, il m’indique l’adresse d’un  « monsieur qui saura me
            répondre, M. Schertzinger ». En effet ce monsieur, bien que tiré de
            sa sieste, m’accueille avec son épouse très aimablement : il reconnaît
            aussitôt sur ma photo le château de Biesheim détruit pendant la guerre.
            Les Allemands bien renseignés sur la présence des militaires avaient
            bombardé l’édifice peu de temps après. Comme M. Schertzinger
            s’occupait des archives municipales je lui remets un double original
            daté de ce qui est sans doute la dernière photo de cette grosse bâtisse.

            Il m’enverra par la suite des photos de Bisheim, et en particulier un
            office religieux dans l’église où Francis a peut-être joué de l’orgue.
            Si ce n’est là, c’est à Marcholsheim où il séjourna plus longtemps.



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