Page 127 - Un bout de crayon - Francis Leclerc
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pays. Madame Leroux semble intéressée et nous saurons plus tard que
            l’armée française a rénové ces tombes et y a organisé une cérémonie
            officielle en présence d’Egidijus. Nous quitterons la Lituanie comblés
            par les découvertes et les rencontres.


            Désormais je peux imaginer mon père évoluant dans ce pays, les
            étapes se mettent en place avec logique, compte tenu des événements
            et de la géographie. Au fond, il était sur le front russe et a vécu l’at-
            taque faisant suite au Débarquement allié, seconde mâchoire de l’étau.
            Il n’avait pas d’autre solution que d’aller vers les Russes et de toute
            façon il ne pouvait leur échapper : la fuite vers l’Ouest devant la ruée
            russe et dans la débâcle allemande était sans issue et périlleuse. Captif
            des Russes, il fut traité de façon indigne, mais il est revenu. Passée
            la ligne d’attaque, il s’est retrouvé sur l’arrière en relative sécuri-
            té. Il bénéficiait quand même de la protection de l’armée russe, des
            infrastructures ferroviaires qui fonctionnaient, lentement certes, mais
            le train est arrivé. Il faut au moins reconnaître que les Russes les ont
            libérés de la captivité allemande. Mais leur sort n’en fut pas amélioré
            et ils n’étaient pas considérés comme des soldats alliés. Les Russes
            estimaient que tout prisonnier est un lâche puisqu’il n’était pas mort
            au combat, en défendant sa cause. Par conséquent ils étaient suspects
            par principe et traités comme tels.



            Rencontre avec Joseph Freyman

            Je m’apprête à rencontrer Joseph Freyman enfin. Après nos premiers
            contacts en 2010 j’étais disposé à faire un aller-retour en TGV vers
            Strasbourg pour le voir, mais il m’en avait dissuadé me disant que rien
            ne pressait et me proposant de nous voir l’été suivant avec du temps
            pour aller au musée de Shirmeck voir l’exposition sur les « Malgré-
            nous ». Il m’avait même proposé une résidence familiale pour y venir
            quelques jours. Cela n’a pu se réaliser pour des raisons personnelles.
            Joseph continua à m’envoyer des courriers régulièrement (8 en tout).
            Le cumul d’une prise de retraite compliquée et de problèmes de santé,
            l’arrivée de 3 petits-enfants fit que nos échanges se sont espacés au
            point que je ne savais comment renouer. Bien entendu je me sens
            responsable de cette situation et je veux le voir. Finalement en 2017
            nous décidons, Brigitte et moi de consacrer quelques jours pour aller



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