Page 121 - Un bout de crayon - Francis Leclerc
P. 121
Ces rails permettaient d’évacuer les wagonnets de pierre dans la
carrière toute proche où Francis et René ont été affectés en début de
captivité du 24 octobre 1940 au 4 août 1941.
Nous allons dans le cimetière et nous approchons de deux tombes
fraîchement fleuries : je réalise qu’elles viennent d’être nettoyées
pour nous ! Nous nous figeons tous dans le silence et là je suis un peu
submergé par l’émotion. Nous sommes à un endroit que mon père
a bien connu, devant la tombe de ceux qui l’ont accueilli, hébergé
et soutenu. Je me mets à sa place et je me vois alors faire un salut
militaire en leur hommage, en présence d’autres Lituaniens. Cela
m’étonne de moi-même, car je ne suis pas spécialement militariste.
C’était aussi une façon de saluer le soldat Francis, moi qui n’ai fait
qu’un an de service militaire. Le sous-lieutenant saluait le caporal.
Ici gisent les familles Pezaï et Jurgaitis. La famille Pezaï a accueilli
mon père et la famille Jurgaitis Georges Léonard, un prisonnier belge,
dans la ferme de Klepal-Klaus. Francis et Georges se connaissaient.
À ce moment il doit être midi ou plus, je propose à Egidijus de ne
pas aller à la carrière, prétextant que c’est un endroit où il a beau-
coup souffert. Je vois qu’il est contrarié, ayant prévu cette station
importante. Nous reprenons notre cheminement en forêt et entrons
dans une clairière assez vaste : c’est ici qu’était la carrière où les
prisonniers cassaient des pierres pour faire du remblai de routes ou
de voies ferrées. On devine des monticules couvrant des cailloux
sous une végétation basse. Il ne reste aucune installation visible ni
de voie ferrée.
C’est alors que l’ami d’Egi-
dijus, Helmutas cueille et me
donne un pied de fraises des
bois, le fils de Lituanien de
Liewern au fils de prisonnier sur
un lieu de souffrance de mon
père. Grosse émotion encore,
il va arriver à me faire craquer
celui-là. Brigitte a le réflexe, et
immortalise ce beau geste.
Helmutas Lotuzis, Lyveraï
Photo B. Leclerc
- 121 -