Page 118 - Un bout de crayon - Francis Leclerc
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Lituanie de documents vieux de 75 ans, est un résultat tangible de
ses propres recherches. Il s’agit de son pays puisqu’il vit à proximité
de Klaipeda. Pendant ce temps, le photographe tourne autour du petit
groupe et mitraille. C’est alors que nous mesurons avec effarement la
faiblesse de notre anglais face à ces Lituaniens le parlant sans aucune
hésitation. Cela gêne les échanges, nous nous sentons confus et ridi-
cules. Il nous faut ânonner, regarder le dictionnaire, pester, jurer (en
français) faire moult gestes et simagrées pour conclure par un « yes I
see ». Souvent d’ailleurs je ne « see..ais » pas grand-chose.
Il doit quand même y avoir un problème avec l’enseignement de l’an-
glais en France. Je me souviens que mon professeur au collège nous
parlait de tout, de littérature, d’histoire, etc. mais il ne parlait jamais
la langue avec nous et nous encore moins. Mais, foin de palabres, il
faut y aller ; il nous embarque dans sa voiture et Daiva suit avec le
photographe : en route vers Kuliaï (Gut Kuhlen le Manoir de Kuhlen
enfin). Nous passons sur un pont : il s’arrête pour me montrer l’ancien
pont métallique sur la rivière Minija toujours là, celui que Francis a
dû emprunter à pied pour aller de Kuhlen à Liewern. Ça y est, j’y
suis ! Quelques minutes plus tard nous entrons dans une grande cour
herbeuse au bout d’un sentier sinueux sans clôtures ni barrière : à
droite une maison, en face une longère, des grands arbres au milieu :
C’est là ! Aujourd’hui c’est le 9 juin 2016 : il nous a fallu plus de 6
années pour retrouver cet endroit majeur de la captivité de mon père.
Sur la gauche un bâtiment d’habitation plus petit où logeait le person-
nel. Selon Egidijus ce devait être là son logement. Avait-il une pièce
à lui ? Ils étaient plusieurs et il semble difficile qu’ils aient eu chacun
leur chambre. Ces petites fermes modestes avaient été construites par
les Prussiens qui occupaient cette zone dite de la bande de Memel
depuis très longtemps. Pas de tuiles ni d’ardoises, ici les toits sont en
tôle. Rien à voir avec nos manoirs normands.
Nous saluons les occupants en leur expliquant la raison de notre
présence. Ils sont impressionnés par le photographe, conscients qu’il
se passe quelque chose d’historique à Kuliaï ! Après une rapide inspec-
tion des bâtiments et de la cour, nous repartons. Cette zone est en
pleine expansion de constructions neuves ou rénovées. Lors de notre
second voyage en 2019 nous ne reconnaîtrons plus le petit bâtiment et
nous nous féliciterons d’avoir gardé les premiers clichés de 2010. Mais
à l’origine cette ferme était isolée dans la campagne. Le programme
est chargé il faut repartir : nous arrivons à proximité d’une maison
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