Page 168 - Un bout de crayon - Francis Leclerc
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Memel 1940-1944
Klaipeda, nom étrange et si loin de chez nous,
Je n’aurais pas pensé qu’un jour tu me verrai
Transporté en tes lieux, loin des miens loin de tous
Que j’aurais trébuché sur tes boiteux pavés
J’ai vu tes beaux immeubles, tes squares et tes « strass »
Ton port sur la Baltique et tes quais encombrés
Tes ponts sur le canal et ta banlieue en tram
En ville tes magasins aux vitrines inchangées
J’ai vu aussi ton stade assez près du rivage
Ces sportifs aguerris s’entraînant les matins
Perçu tes promeneurs s’en allant vers la plage
Survolant la cité les gracieuses mouettes
Les cigognes planant au grès de l’aquilon
Frissonner les drapeaux dans la bise qui fouette
Et au pas cadencé, chantant, tes bataillons
Circulant dans tes rues poignard au ceinturon
Ta jeunesse hitlérienne aux heures matinales
Saluant bras levés, raides et fanfarons
Les jeunes filles blondes, passe l’allure martiale
J’ai entendu hurler les stridentes sirènes
Des bateaux se trouvant dans le port
Et dans le ciel bien bas repasser les carènes
Des lourds hydravions, ronflants engins de mort
J’ai vu tes deux églises de rite évangélique
Dresser leur haute flèche dominant la cité
Et près du port, en brique, l’église catholique
Où Jésus, bras en croix, se dressait à côté
Plus loin tes abattoirs, et parcouru tes halles
Ta laiterie moderne, pris le train à tes gares
Les Dimanches d’été, tes gens prendre un bateau
Par tes rues j’ai croisé tes élégants « schupos »
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