Page 112 - Un bout de crayon - Francis Leclerc
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pas », à moi, un inconnu. Et puis, ce fut ma chance par deux fois, j’ai
            échangé avec un ancien prisonnier en personne ! Je n’imaginais pas
            cela encore possible.

            Le moment le plus fort de toutes mes recherches vient d’un nom et
            d’une adresse griffonnés à la hâte avec 3 autres au dos d’un portrait
            de Marie-Madeleine : adresses prises à la volée sur le genou ou en
            appui sur le dos d’un copain, dans les circonstances précipitées d’un
            départ : ces noms écrits au crayon sont souvent à peine lisibles, dilués
            par les frottements et les années. Ces gribouillis ont 65 ans et ils ont
            beaucoup voyagé. De plus, dès que vous les manipulez, ils vieillissent
            très vite par l’exposition à la lumière, les micro-frottements, les doigts
            humides... ils rendent leur âme.























            recto                 verso

            Première précaution, scanner. Un bon scan, rafraîchi par une action
            sur la luminosité et le contraste, comme j’avais appris à le faire sur
            les tirages argentiques en chambre noire, agrandi sur un bon écran fait
            apparaître des détails invisibles à première vue. Un simple examen
            à la loupe est aussi productif. Le document scanné, l’information est
            sauvée : elle pourra être reproduite à l’infini, archivée, répertoriée.
            Quant au support, petit papier fatigué, une fois remplie sa mission, livré
            son message, il doit retourner aussitôt dans l’obscurité et l’immobilité.
            Les adresses importantes ont été écrites au dos d’une des photos
            auxquelles il tenait le plus, celle de Marie-Madeleine. Parmi ces
            adresses, je déchiffrais en seconde ligne : « Gustave Freymann, 2 rue



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