Page 45 - Un bout de crayon - Francis Leclerc
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Sur la photo un autre prisonnier porte aussi une attelle. Je ne peux
            mettre de nom sur aucune de ces personnes, les deux autres pouvant
            être des « infirmiers ». Ce genre de blessure consolide en 3 semaines.
            J’ai mis beaucoup de temps à comprendre cette photo n’ayant pas
            aperçu les attelles au niveau des emmanchures.
            Point négatif, il a abandonné René dans la carrière. Il n’y a pas d’infor-
            mations sur ce que fit René ni combien de temps il resta à la carrière.
            On ne sait pas comment il supporta l’épreuve et comment il put en
            sortir. Ils se retrouvèrent à la ferme de Neuhof, 3 ans plus tard.



            Argences, septembre 1941


            De son côté Marie-Madeleine est occupée aux deux sens du mot :
            occupée aux tâches de sa maison et de la ferme avec l’élevage, les
            soins à la basse-cour et la surveillance des animaux et des herbages.
            Il y avait en effet des veaux « à la Côte ». Argences se trouve à l’en-
            droit où les collines du pays d’Auge tombent à plat sur la plaine de
            Caen. C’est là, côte Saint-Eustache, que se trouvent deux herbages
            en pente, plantés de pommiers haute tige. Ces parcelles sont limitées
            par des clôtures plus ou moins bien entretenues et il arrive que des
            animaux s’échappent : il faut alors « courir les bêtes » comme on dit
            en Normandie, avec l’aide d’une ou deux personnes. Une activité de
            cow-boy, mais à pied et en vélo équipé d’un bâton en noisetier.
            Quelqu’un précède la troupe pour détecter les entrées non fermées,
            faire barrage au passage puis rattraper les animaux. Si l’un d’entre
            eux rentre dans un champ alors c’est grosse galère pour le ressortir.

            Sa maison aussi était « occupée » par les Allemands : elle fut en effet
            contrainte d’héberger deux soldats ; Marie-Madeleine, dont le mari
            était prisonnier en Allemagne sur le front russe, âgée de 26 ans, avait
            chez elle des soldats occupants armés.
            Quand on évoquait cette situation délicate, elle coupait court à toute
            question, arguant aussitôt qu’elle n’a « jamais eu de problèmes ».
            Même, disait-elle, je me sentais plus en sécurité. Le matin elle veillait
            à « descendre tôt, toilette faite et habillée ».









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