Page 36 - Un bout de crayon - Francis Leclerc
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chemin de fer ou des routes. Le bagne en sorte : Le travail est rude,
            harassant : il faut extraire la pierre, la casser avec des outils manuels
            et la charger dans des wagonnets sur rail. Dans un courrier à sa mère
            en 1943 il évoque cette période : « à la carrière j’avais beaucoup plus
            de mal à me maintenir moralement. »


            E. Kazlauskis nous apporte ici un éclairage intéressant sur les
            évasions vers l’Est :


               « Tous les anciens soldats de la France libre ne pouvaient accep-
               ter qu’au lieu de combattre le nazisme les armes à la main, ils
               travailleraient à son service. Ils avaient élaboré en secret un plan
               pour traverser la frontière entre l’Allemagne et la République
               de Lituanie qui fut occupée par l’Union soviétique en 1940. On
                               er
                                                  er
               sait qu’entre le 1  juillet 1940 et le 1  juin 1941, 218 prisonniers
               français s’évadèrent vers l’Est. Mais au lieu de la liberté tant
               désirée ils furent arrêtés. Les nuits ils furent interrogés, suspectés
               d’espionnage. Ensuite ils furent dirigés vers l’intérieur du pays
               dans les prisons du NKVD.
               Et ce sera seulement le 8 septembre 1941 que 186 d’entre eux
               seront libérés par Archangelsk sur le bateau Empress of Canada
               qui atteint les côtes anglaises où ils rejoindront l’armée du général
               de Gaulle. Ceux qui n’ont pas pu s’évader surveilleront les mouve-
               ments sur le front Est, en attendant que l’Armée rouge pénètre en
               Prusse orientale. Celle-ci le fit très rapidement. »


            Heureusement Francis se retrouve le soir avec René dans une maison
            à l’orée de la forêt. Cette période va durer dix longs mois. Encore
            une fois René rédige un texte poétique sur la forêt de Liewern qu’ils
            voient de leur maison, mais il l’agrémente d’un dessin représentant
            l’endroit et d’une dédicace à son ami.
            Francis réussira à conserver cette « œuvre » et à la ramener en France
            en la pliant dans son carnet de notes où il dispose ses documents les
            plus précieux. Grâce à ce dessin très précis, Helmutas Lotuzis, habitant
            de Liewern, reconnaît l’endroit avec certitude. Ils vont découvrir aussi
            l’hiver balte difficile à supporter. Le travail était si dur que certains
            se blesseront volontairement pour sortir de cet enfer.







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